Impressions de Guyane

3° Prise

Nuit de Chasse

Ce récit intervient lors de mon second séjour, en Février / Mars 2003. De longues dates, Laurent et moi avions demandé de nous préparer une nuit à chasser en forêt.

Ce fût fait, et rapidement fait quand à la descente de l’avion, nous prîmes la route le soir même pour nous rendre à Kourou pour dormir quelques heures chez un ami. Au matin, alors que l’aube ne s’était pas encore montré, nous allions chez Marius. Il avait préparé les provisions, le matériel… et prévu d’amener ses deux chiens.

Nous prîmes la route à bord du 4X4 d’Allan, ainsi donc que Marius, Laurent qui venait en Guyane pour la 1° fois, et moi même. Alors que nous faisions route vers Sinnamary, le jour se levait sur la forêt empreinte de brumes.

Le voyage fut émaillé par les récits de chasses de Marius, volubile quand il abordait le sujet. Il nous racontait la place de la chasse dans sa famille, comment lui et ses frères en avaient acquit les ficelles, et comment cette passion se transmettait aussi à ses enfants.

Laurent, dit:"Loslitos de Salsa"

Il nous disait ses rencontres avec des jaguars, des serpents et des fourmiliers. Il nous décrivait les attitudes à avoir, les gestes à faire et à éviter. Puis il nous parla des proies qu’il aimait traquer par dessus tout : les cochon-bois et les maïpourris (tapirs). Nous ne le savions pas encore, mais ces récits, et particulièrement l’un d’eux allait se montrer salutaires pour deux des occupants du véhicule.

Nous entrâmes dans la forêt, par une piste entre St Elie, et la rivière Coumanana. C’était une route ouverte par les bûcherons, comme en témoignaient les divers engins de chantiers laissé à l’abandon sur les cotés, pris d’assauts par la rouille et la végétation, trop chers à rapatrier sur Cayenne.

Nous nous sommes répartis les taches :
Marius et Allan sont monté à l’arrière du pick-up, avec les 2 chiens
Laurent et moi alternions le pilotage, à vitesse lente sur la piste rouge. De cette manière, les chiens pouvaient « prendre l’odeur », avertir les 2 chasseurs qui armés, descendait du véhicule à la poursuite des proies.

 

 

 

 

 

 

Nous nous sommes enfoncés d’à peu près 60 kms dans la forêt, entre les murailles de végétations, avant de faire une pause. Là, dans le silence de nos pas, nous écoutions les bruits : tisserands, insectes, oiseaux lointains… Parfois, nous entendions la pluie, venir comme un rideau, passer au dessus de nous et s’en aller.

Allan se mit à siffler les toucans. L’un d’eux eut, à ce moment là, le malheur de se manifester, et Pan ! Allan s’enfonça dans les broussailles, à sa recherche. Il était devenu affûté, pas autant que Marius, mais il avait beaucoup appris à son contact.

Il revint un peu plus tard avec l’oiseau multicolore.

 

 

 

 

 

Nous eûmes la surprise de croiser, sans les tirer, d’autres animaux : tatou, packs, pians, grues blanches…. Mais la plus étonnante de nos trouvailles arriva en milieu de matinée.

Alors que je conduisais, nous dépassâmes un véhicule de type utilitaire dans un ravin.

« Y’a quelqu’un à l’intérieur », me dit Laurent. En effet, il y avait un vieux bougre de Guyanais qu’une nuit de fatigue, de pluie et de rhum avait conduit droit dans cette fosse. Il était

là depuis 3 ou 4 heures du matin.

Il n’avait rien, et nous expliqua qu’il travaillait au chantier de déforestation. Si nous n’étions pas passés par là, il aurait du attendre toute la journée que ses collègues eussent finit leur travail pour recevoir de l’aide. Cette pensée m’effraya, moi, le métro, mais ne sembla pas inquiéter outres mesures mes compagnons guyanais.

Bon, le problème était de ressortir son véhicule penché du coté droit dans le ravin. Toutes maladresses pouvaient l’envoyer finalement sur le toit. Nous essayâmes tout : le tracter par le devant, le derrière, le coté… Rien n’y faisait. Pire encore : à un moment, le carter avant alla s’abîmer contre un gros cailloux, qui menaça de faire tenir le véhicule par un équilibre instable sur l’essieu.

« Bon, y vaut mieux te ramener au camp », décidai-je donc. On se rangea à mon avis.

Nous prîmes la piste de nouveau, avec un passager en plus. Peu de temps après, nous aperçûmes une forme noire sur le coté gauche de la route. A notre vue, elle s’enfuit dans la forêt. Marius se lança à sa poursuite, après un coup de feu réflexe d’Allan.

10 minutes après, 2 coups de feux, et Marius réapparut avec un magnifique Hocco à sa main.

Nous arrivantes au camp des bûcherons un peu plus tard, et après s’être laissé remerciés, nous sommes repartis à la chasse. Nous n’avons rien vu d’autre que la végétation magnifique, quelques oiseaux et un nid de mygale.

Sur la route qui nous menait au carbet des ONF, nous avons été bloqués par une chute d’arbre, quelques minutes après notre passage. Comment cela est-il possible ?

 

Il fut savoir que les arbres sont peu haubanés. De plus, des plantes parasitaires, des broméliacées géantes poussent par dizaines sur leurs branches. Après de fortes pluies, comme il en arrive quotidiennement, ces broméliacées se gorgent d’eau, ce qui représente un poids considérable sur l’arbre.

Pau haubanés, attaqués par la maladie et les insectes, ce sur-poids qui peut représenter des tonnes les fait s’écrouler dans un bruit de coup de fusil.

 

 

 

 

Laurent nous fit voir son savoir faire. Munis d’une tronçonneuse, il découpa l’arbre en plusieurs rondins.

A midi, nous fîmes une pause au carbet des ONF, où nous eûmes droit à un plat typiquement Guyanais : quack gros grain, mouillé de wassaï (sorte de jus violet à ongle, âpre de gout) et machoiran blanc séché, salé.

Pas de commentaires.

La pluie s’est mise à tombé, avec beaucoup d’intensité. Nous avons déplié les hamacs, et couchés dedans, nous avons discuté du choc de passer de la métropole à l’Amazonie en moins de 24 heures. Fatigués, et emprisonnés par la pluie, nous avons dormi jusqu’à 18 heures.

La nuit tombé, nous avons mangé, et attendu que la pluie se calme. Ce fût chose faite vers 22 heures, et nous avons repris la route.

A un moment, nous avons aperçu une paire d’yeux rouges, fixes dans une mare. C’était un petit caïman, qui s’était approprié ce point d’eau. Je me promettais de l’attraper à mains nues à mon retour.

 

 

 

 

 

Des broméliacées

Mais mes projets allaient être contrariés par un événement que je n’avais pas prévu.

Arrivé à une clairière, nous nous sommes séparés pour aller chasser à la lueur de nos frontales : Laurent et Marius, Allan et moi. Nous nous sommes équipés, et dans la forêt noire de noire, nous avons avancés. Quelle sensation de petitesse que de se sentir si vulnérable, dans le noir d’encre de la forêt. C’était une expérience nouvelle : le noir le plus épais que j’eus connu, plus noir encore que quand on ferme ses deux yeux…

Tout à coup, je sentis quelque chose tourbillonner autour de mon visage, près de ma frontale. Tout à coup, la douleur, cuisante et perçante. J’enlevais ma lampe, et protégeais mes yeux du bourdonnement : une guêpe venait de me piquer 2 fois. Allan se retourna, et me demanda si ça allait.

« Non », et c’était la première fois qu’une piqûre de guêpe me faisait cet effet. On pense que ceux sont les jaguars, caïmans et autres serpents qui peuvent vous êtres fatales, mais on oublie qu’ils sont plus bien prudents que l’homme.

Le venin commençait à faire effet : je sentais monter en moi la crise d’asthme, ma peau se gonfler et bouillir, mes poumons qui refusaient de m’obéir. Avant ça, je ne craignais pas les piqûres de guêpes mais là…

« Allan, il faut que je rentre », lui dis-je, essoufflé. Voyant mon état, il obtempéra rapidement, et me précéda.

Dans l’affolement, ma lampe était tombé en passe.

Je le suivais difficilement, chaque pas devenant de plus en plus durs à faire. J’avais chaud : je ne supportais plus ma chemise. J’étais de plus en plus faible : porter ma lampe et mon sac vide était insurmontable : je les donné à mon compagnons. La soif et l’asthme m’étranglais. Nous étions à une demi heure du véhicule, ou par précaution, j’avais laissé des médicaments.

Je ne voyais plus clair : à la fin, des couleurs dansaient dans mes yeux. Mais si mon corps ne m’obéissait plus, j’arrivais encore à réfléchir de manière lucide.

« Pas affoler Allan, marcher… Tiens, c’est comme ça que ça vient...? » (en effet, et on me le confirma plus tard, je sentais que le pire arrivait... Mais dans un étrange calme, déclenché surement par une zone du cerveau qui offre la dernière cigarette au condamné... Après tout, j'aurais trouvé le moyen de rester en Guyane, non?).

Finalement, nous sommes arrivés au véhicule. Là je me suis affalé sur le fauteuil, et j’ai avalé des bouffés de Ventoline, et particulièrement de Bécotide, plus riches en cortisones, connues pour apaiser le gonflement des trachées respiratoires. Je bus pas mal aussi, et peu à peu, mes sens ne me jouèrent plus de tours.

Je voyais ma peau, couverte de boutons et gonflée, ainsi que mon visage, qui avait pris du volume. Ma tête me faisait mal, et à l’intérieur, je sentais mon organisme lutter contre le poison…

Les 2 autres comparses revinrent. Laurent aussi s’était fait piquer, mais n’avait pas eut les mêmes réactions.

« Veux-tu aller aux urgences (c.à.d. Kourou, à 120 Kms) ? », me demanda Marius.

Sentant que ça pourrait allait mieux, je lui dit que non, et nous rentrâmes au carbet.

Je passais une nuit fiévreuse, à frissonner dans mon hamac et mes vêtements humides. Je me levais pour vomir plusieurs fois, et reprendre des bouffées de Ventoline. Quand j’avais du mal à me rendormir, j’écoutais la pluie tomber averse, et les singes hurleurs durant les accalmies.

Le lendemain, je me levais encore faible (je devais ressentir cet état pendant encore quelques jours). Nous sommes repartis chasser. Juste avant midi, les chiens flairèrent quelque chose. Marius, Laurent et Allan les suivirent dans la forêt. Je restais près de la voiture, incapable physiquement de me joindre à eux.

 

Tout à coup des aboiements, des coups de feux…. Allan reparut, avec Marius. Les chiens avaient surpris un fourmilier. Avant que ce dernier ne se mette en position d’attaque, Allan avait été forcé de le tuer (4 coups de feux !), pour éviter qu’il éventre les chiens avec ses deux grandes griffes. En effet, et c’est un des récits que Marius nous racontait la veille, le fourmilier, quand il est acculé, se met sur le dos, et offre à son prédateur son collier, afin de se laisser mordre. Mis il s’agit d’une feinte, car quand le chasseur est sur lui, il en profite et rabat ses deux avant bras musculeux, et transperce son agresseur de ses grandes griffes. Si la blessure n’est pas mortelle sur le coup, l ’infection fait généralement bien son travail.

Allan n’avait donc pas le choix. La tristesse se lisait bien sur son visage.

Rentré en métropole, je suis allé voir une allergologue pour lui parler de ma mésaventure. Elle m’a confirmé ce que j’avais ressenti intimement au fond de moi cette nuit là : j’étais passé très près de vie à trépas.

Mais je ne regrettais rien, seulement mon imprudence….

 

Voir: "Quelques conseils agrémenter votre séjour et, accessoirement,revenir en vie".

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